Article Jean-Luc Clairet

La Madeleine Proust Opus 4 : Haut Débit

………Dès le prologue, toujours délectable, où La Madeleine fait irruption dans la salle et fond sur les spectateurs, on est en pays de connaissance : elle est là et on est tout de suite avec elle.

Ca fonctionne si bien, cette proximité immédiate, ce mélange d’improvisation et de classiques savamment distillés (« Pis vous, vous v’nez d’où ? …….De B’sançon ? Oh ben y’en faut ! ») que ça pourrait durer encore et encore. On en oublierait presque que c’est sur scène que ça va se passer !

Et même : grimpée sur icelle, deuxième petit prologue avec une originale façon de transformer la pénible phrase d’accueil rituelle sur les téléphones portables et les appareils photos qui nous vaudra ensuite un hilarant faux allumage du spectacle.

Le spectacle enfin!

Ce qui peut surprendre les familiers de l’univers proustien, dans ce nouveau et quatrième volume des aventures de notre Madeleine préférée, c’est la quasi-absence de décor. Pour qui avait baigné dans les effluves de la soupe cuite en direct dans la cuisine en formica toute équipée de « La Madeleine Proust en forme » puis devant la superbe ferme comtoise qui faisait appel à toute la technologie du théâtre pour faire défiler les quatre saisons de « Du côté de chez la Madeleine Proust » (rebaptisé, succès sur les Grands Boulevards oblige : « La Madeleine Proust à Paris »), il peut y avoir un certain dépaysement devant cet ascétisme scénique habillé de quelques accessoires indispensables seulement.

Mais à la réflexion, il apparaît là que Lola Sémonin, de fait, s’offre là, au contraire, le luxe, oui, le luxe d’un spectacle parisien ! Car, on a beau faire l’inventaire : quels sont les éléments de décor des grands humoristes de la Capitale ? Bedos ? Desproges ? Dupontel ? Une chaise, le plus souvent, un projecteur pour qu’on les voie bien, leur renommée faisant le reste.

Et donc, voici la renommée de La Madeleine Proust à présent bien grande, qui peut se permettre le luxe du quasi-vide autour d’elle !

Et ça fonctionne ?

Que oui !

Le débit du personnage très haut en couleurs créé par Lola Sémonin est imparable.

Il faut la voir s’en prendre à cet autre débit, qui est celui de nos vies internées par l’internet ! Tout est dit, s’il faut citer un exemple, dans cette image hilarante et d’une simplicité qui fait mouche d’une Madeleine qui va de cour à jardin tout emmêlée de fils et traînant en laisse une pitoyable livebox dont on ne sait si elle est rétive ou en partance pour la casse ……….

Ces hauts débits en tous genres parlent de toute évidence à toute la salle qui s’esclaffe devant d’audacieuses sorties du style : « Les jeunes, quand tu les vois faire leurs devoirs, :les écouteurs sur les oreilles, un œil sur la télé, l’ autre sur lécran de l’ordinateur, la main sur les SMS du portable , Ricet, y m’dit : « comment ça s’fait que les fabricants n’ont pas encore pensé , à leur mettre une clef USB dans le c………. ! », sorties appelées à devenir historiques à l’image du célèbre « Quand on voit c’qu’on voit, quand on sait ce qu’on sait, on a bien raison de penser c’qu’on pense et pis de n’ rien dire ! », qui en compagnie d’autres auto-citations émaillent ce nouveau spectacle en réjouissant autant ceux et qui les découvrent que ceux qui récitent par cœur ces phrases dont certaines ont déjà un quart de siècle d’âge.

Mais l’essentiel n’est peut-être pas là……..

Ces hauts débits masquent à peine la réelle sincérité et l’émotion juste de ce qui est probablement le vrai sujet du spectacle : l’éloge sans ambiguïté aucune d’une certaine diversité qui, via la rencontre de la Madeleine avec un certain Kamel placé en famille d’accueil dans son village de Derrière-les-gras, apporte un vent tout à fait bienvenu dans une France un peu encline en cette drôle d’époque à des jugements quelque peu à l’emporte-pièce. Et là aussi, la profonde générosité du spectacle atteint.

La Madeleine s’était déjà ouverte dans l’Opus 3 : « La Madeleine Proust fait le tour du monde.» Là c’est plus encore : c’est une véritable accolade humaine !

Qui l’eût cru ! Qui aurait pu deviner ce parcours dans les années 80 lorsque la Madeleine commençait d’arpenter la scène, vase de nuit en main et cheveu tornadé par une nuit d’insomnie, telle une mouche vibrionnante engluée dans le quotidien des murs de sa cuisine en formica ?

A y bien réfléchir, on sentait déjà la profonde humanité de ce personnage loin déjà de toute vulgarité. La Madeleine Proust n’a jamais été qu’une machine à rire et c’est ce qui la rend précieuse. C’est ce qui rend unique chaque rendez-vous avec elle. A Besançon il a fallu ce 30 janvier 2009 rajouter en catastrophe une séance, en sus des deux prévues dans le vaisseau du théâtre Musical. Et c’est plein d’espoir bien sûr.

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